Dans les années 50, chaque fois qu’une catastrophe naturelle se produisait, nos grands-mères avaient pour coutume d’en rejeter la faute sur les essais atomiques. Aujourd’hui, quand quelque chose ne va pas dans le monde, c’est la faute à l’Europe.

Cette Europe idéalisée par les fondateurs d’après guerre a suscité un grand enthousiasme et beaucoup d’espoir. Jusqu’au dernier traité, elle s’est construite tambour battant par le couple franco-allemand qui s’était entretué, entraînant le monde entier dans la guerre. Mais le monde est devenu si complexe et déséquilibré depuis la chute du mur de Berlin que la belle construction à peine terminée commence à se fissurer.

C'est une Europe des nations qui, pour l'instant, s'est construite, au détriment d'une trop forte dose de supranationalité. (Keystone/AP/MTI/Jozsef Balaton)

L’euro est remis en question, victime collatérale de la crise financière américaine. L’Union a eu bien de la peine à se montrer solidaire des victimes de la même crise. L’Allemagne a rechigné à faire sa part envers la Grèce, berceau de notre civilisation. On était prêt à laisser tomber le Portugal, pays au formidable potentiel, à la population courageuse et travailleuse. Le Printemps arabe, formidable élan vers la démocratie de peuples opprimés, devrait nous réjouir; il nous divise, faute de solidarité pour accueillir quelques dizaines de milliers de migrants, alors que des centaines de millions pourraient retrouver la liberté dans leur pays.

C’est regrettable, mais cela signifie, ce que nous savions, que les Etats de l’Union ne sont pas prêts pour l’instant à accepter de devenir des «Laender» ou des cantons dans une Europe fédérale. Se dessine donc actuellement une Europe des nations, où chaque Etat garde son autonomie et défend ses intérêts, préservé de toute supranationalité. C’est l’Europe version de Gaulle, de l’Atlantique à l’Oural. Le débat sur l’Europe fédérale et celle des nations ne me paraît plus de mise.

L’Europe existe, elle tient contre vents et marées.

Mais l’Europe existe, elle tient contre vents et marées. Alors que l’Occident est touché par des crises financières, économiques et énergétiques et effrayé par les effets de la mondialisation, les mouvements nationalistes et d’extrême droite de sinistre mémoire renaissent en Europe et cherchent des boucs émissaires. Ils sont contenus, car les gouvernements des membres de l’Union se parlent et que les conflits sont désamorcés, même si cela cafouille un peu. J’ai la conviction que si l’Union n’existait pas, l’histoire se reproduirait.